UNFINISHED BUSINESS

Il était difficile de parler de l’album d’Azealia Banks  Broke with Expensive Taste  (Fauchée avec des goûts de luxe). Avec le recul, on peut se demander si le titre n’est pas parvenu à résumer l’album, reste à savoir dans quel sens (bon/mauvais) du terme…

Pour ceux à qui le nom d’Azealia Banks ne dirait rien, vous avez probablement dansé sur l’un de ces morceaux en soirée ou en boîte. Un morceau en particulier – 212 – avait l’effet d’une bombe à sa sortie en 2011 sur le EP 1991 (année de naissance d’Azealia Banks). Un morceau sur lequel Azealia Banks égotripe, insulte à tout va sur une production signée Lazy Jay, dont le son Float My Boat est repris par Azealia Banks sur 212.

Un son qui relève d’un fantasme de hipster, une sorte de synthèse entre l’énergie, le flow et l’impertinence du son hip-hop combinée à une production électro à la fois dansante et entêtante. Depuis, Azealia Banks ressemble à une sorte de meilleur espoir féminin, un espoir qui ne peut découler que sur une constante déception.

« Broke with Expensive Taste » résume bien l’album parce qu’il montre la volonté de l’artiste de se montrer ambitieuse dans son travail malgré des moyens limités. Cette double donnée se retrouve dans l’album qui recèle de multiples références à des styles musicaux qui ont marqué Azealia Banks. On peut citer le morceau Desperado et son beat « UK Garage », Wallace qui lui s’inspire du R&B des années 1990 (un « mix » du Beep me 911 de Missy Elliot et du It’s not right but it’s okay de Whitney Houston) ou encore le son trap sur Bbd. L’album recèle de référence à des styles musicaux de ces vingt dernières années et qu’Azealia Banks tente d’assembler pour accompagner ses textes et son flow hip-hop qui évoque immédiatement celui de Missy Elliot.

L’album constitue une vraie prise de risque. Azealia Banks fait partie de ces artistes qui depuis quelques années ont fait le choix d’amalgamer le son électro et le style hip-hop, deux univers qui pendant très longtemps se sont regardés en chien de faïence, malgré quelques bouts de chemin en commun (qui se souvient du Scorpio de Grand Master Flash?). Cette tendance est beaucoup plus marqué au Royaume-Uni avec des artistes comme Dizzee Rascal, Ms Dynamite ou Foreign Beggars qui ont depuis longtemps introduit des sonorités électro dans leurs productions. Plus récemment Tinie Tempah a connu un succès mondial avec son album Disc-Overy, lui aussi construit dans le même esprit.

Azealia Banks s’est montré plus ambitieuse parce qu’elle n’a pas seulement tenté d’intégrer des sonorités électro mais de rapper sur plusieurs des différents styles de musique électronique qui ont connu un succès ces vingt dernières années. Une manière de dire : « j’aime cette musique, j’ai envie de faire un morceau avec ».

De fait le résultat est assez inégal. Certains morceaux sont clairement ratés comme Yung Rapunxel ou Heavy metal and Reflective, d’autres juste écoutables. L’album souffre du fait que 212 reste le meilleur morceau de l’album alors qu’il est sorti il y a maintenant deux ans. L’explication ne tient pas au son qui serait plus accrocheur. Ce qui fait la force du morceau, c’est la capacité à construire une forme de cohabitation entre un son électro et un flow hip-hop qui varient en intensité mais parviennent à aller de pair avec une énergie, une force rythmique équivalente ou en tout cas capables de se répondre. Les morceaux les plus faibles de l’album sont justement ceux où cette alchimie ne parvient pas à s’opérer, comme si l’un des deux avait pris un faux départ et s’était retrouvé à contretemps (dans le mauvais sens du terme…)

Malgré tout, certains morceaux sont des réussites comme Gimme a Chance, Desperado ou Luxury. L’album laisse donc sur sa fin, comme si la marche était trop haute et qu’il fallait encore attendre un peu avant de pouvoir mettre en harmonie un univers musical aussi vaste. Mais on en redemande… forcément !

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